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dimanche 4 mars 2018

Une petite claque sur les gros clics


ennui

      L'un de mes amis, avec lequel je suis souvent d'accord, a suggéré récemment qu'on apprenne les techniques d'autodéfense , comparables à celles qu'apprennent les jeunes femmes pour ne pas se faire agresser par de gros libidineux, pour résister aux fake news.  La résistance aux fake news n'est pas seulement la résistance à la fausseté et au bullshit. Ce n'est pas non plus, comme le suggère mon ami, la résistance à l'irrationalité quotidienne. C'est d'abord la résistance à la curiosité. Ce qui pose problème n'est pas seulement le fait que les news soient fake , mais que ce soient des news. Nous pourrions avoir des news qui soient toutes vraies, et même fiables, mais qui soient tellement triviales qu'elles n'auraient aucun intérêt. Or c'est le problème: les fake news surgissent sur fond d'informations qui ne sont pas des news, mais des pubs, des "contenus sponsorisés" comme on dit. Le problème, comme l'avait vu remarquablement Jean-Francois Revel est la masse de connaissance inutile et d'informations polluantes.

      Comme on sait, les pages des journaux en ligne, de face book, et de quantité de réseaux sociaux sont à présent encombrées de pop up  , de médaillons censés nous apprendre des faits extraordinaires ou amusants, et susciter  notre curiosité naturelle, notre soif de savoir, décrite depuis Plutarque et Appulée. A l'époque les héros de l'âne d'or voulaient connaître les mystères. Aujourd'hui on veut savoir ce que font les people. Cessons d'avoir envie de savoir ce que les autres font, ce qui se passe ici ou là, si Kim Kardashian a un cul plus gros que celui de Maria Carey, si Laurent Wauquiez porte des slips Calvin Klein ou Athena, et même si Kim Jong Il a fait ses études à Lausanne ou à Fribourg. Cessons de nous demander si le prochain Goncourt, dont on a oublié les candidats shortlistés, sera de la même qualité que celui de l'an passé, qu'on a déjà oublié. Cessons de nous demander si Mélanie Trump pense du bien des call girls de son mari, ou si Brigitte Macron s'habille en Saint Laurent ou en Balenciaga. Ne nous intéressons qu'au nombre d'enfants morts de faim, de morts dans les conflits armés présents, de poissons morts dans les rivières. Soyons sérieux et ennuyeux. Faisons de la philosophie analytique, réputée ennuyeuse et soporifique. Les gens cesseront de lire les journaux. Ils achèteront, comme jadis sous l'occupation , des classiques. Ils reliront Racine, Corneille, Virgile, Homère, où il y a déjà assez de fake news pour toute l'humanité. Relisons, comme le proposait Benda, toujours les mêmes livres. Pas les mauvais, comme ceux qui viennent encombrer, à chaque rentrée, les rayons des librairies, et que l'on retrouve un mois plus tard chez les soldeurs, mais les bons. 

     Evidemment le plus simple est : désactivez Face book, Twitter, Linkedin, Instagram, renoncez à internet, aux blogs , et même aux journaux. Ne cliquez pas.  Anonymisons les écrits, comme le demandait déjà Benda. Alors, sous cette chape d'ennui qui nous recouvrira, nous recommencerons à nous intéresser à de toutes petites choses intéressantes. Tolérerons nous ce véganisme intellectuel? Ne faudra-t-il pas se faire moine?

Kim Khardashian